Un beau jour de l’antiquité romaine, un bébé naît, affligé d’un sexe si énorme que ses parents, mortifiés, décident de l’abandonner dans la campagne. Recueilli par un berger, le jeune Priape est élevé par celui-ci en compagnie d’un fils de sang du même âge. La fuite en ville de Priape, à la suite de problèmes avec son frère de lait, lui ouvrira les yeux sur ses désirs pour les hommes, et conduira à une tragédie digne des pièces de Sophocle.
Ce premier album de Nicolas Presl est singulier à plus d’un titre : sans paroles, il reprend des éléments de mythes grecs pour mieux les transformer, et aborde la question de la préférence sexuelle sous un angle plutôt inhabituel.
La recherche de l’identité sexuelle en pleine antiquité romaine, l’idée est évidemment anachronique (l’auteur en est conscient, comme il l’explique dans cette interview).
Ce n’est pas la seule incongruité, puisque l’on peut par exemple apercevoir le Parthénon au beau milieu d’une ville romaine. Manifestement, il s’agit là d’une antiquité fantasmée et non datée, sans prétention archéologique et pourtant crédible. Le souci du détail, qu’il soit architectural ou vestimentaire, est évident, et contribue à cette crédibilité.
Le dessin des personnages a quelque chose de hiératique, tout en conservant leur part de fragilité. Une autre belle idée traverse l’album : Priape voit les hommes prendre l’aspect d’animaux lors de l’acte sexuel - mais pas les femmes. Une jolie incursion de la psychanalyse, nous semble-t-il.
Priape est un album conséquent, avec ses 200 pages au dessin dense. L’odyssée intérieure du personnage principal bénéficie de cet espace narratif ouvert qui nous entraîne pour une longue lecture qui devrait laisser des traces dans la mémoire des lecteurs. De la belle ouvrage.