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Yves et Guillaume

Publié par François Peneaud, le 14 septembre 2013.

Les éditions FLBLB (“fleubeuleu” pour les intimes) nous proposent ce qui pourrait n’être qu’une curiosité désuète, mais qui se révèle être une très bonne surprise : deux albums chroniquant en roman-photo la vie quotidienne d’Ype Driessen, un auteur néerlandais, et de son petit ami Willem Stam. Curiosité désuète, pour probablement nombre de lecteurs, parce que le roman-photo fleure bon les magazines fleur bleue d’antan; très bonne surprise, parce que Driessen fait preuve d’un art consommé de l’humour vache teinté d’une vraie affection.

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Le dilemme des cartes postales

Dans Un Gars et un gars, le premier des deux albums qui viennent de paraître en France (sur quatre parus en néerlandais), nous faisons la connaissance de Yves, “Ype” en VO, et Guillaume, “Willem” dans son plat pays, deux (encore) jeunes presque trentenaires qui partagent leur vie, leurs petites manies et leur grand amour. Driessen dresse des portraits très bien campés de ses “personnages”, avec chacun sa personnalité, ses centres d’intérêt ou de désintérêt. L’un est un maniaque du rangement, l’autre est arachnophobe ; l’un amateur de comics de super-héros, l’autre d’art contemporain ; l’un est collé à son portable, l’autre colle aux basques des beaux mecs… mais surtout, chacun des deux, à son tour, se fait un malin plaisir de vanner l’autre — mais jamais avec méchanceté. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de cette série : les gags de Driessen, ainsi que ses personnages, sont gentils (mais ceux-ci ne se laissent pas marcher sur les pieds). La tendresse évidente qui se dégage de ce couple fait plaisir à voir, et ce d’autant plus que l’auteur leur conserve à chacun sa personnalité, bien affirmée.

Driessen balaie une large partie du champ de l’humour, avec de petits gags parfois sans originalité particulière (la recherche d’un nouvel appart qui soit décrit fidèlement) mais toujours sympathiques, de l’humour poussé jusqu’au non-sens (des objets divers plantés dans l’appartement comme pense-bête), de la vacherie hilarante (aussi bien Yves que Guillaume ont la langue bien pendue), du comique de répétition (de multiples variations sur une même idée parsèment les albums), etc. Le plaisir de lecture provient autant de la variété des situations que de l’impression de proximité avec des personnages attachants dans leurs défauts mêmes.

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De la solitude de l’homme moderne

Le format adopté, quatre cases quotidiennes qui forment un gag ou une petite histoire, pourrait laisser penser que les albums ne sont qu’une suite de saynètes indépendantes. Il n’en est rien. Si par exemple la dernière partie des 80 pages du premier album est consacrée à la recherche d’un nouvel appart (le précédent ayant été quitté pour un motif aussi futile que logique), le deuxième album, Homme Sweet Homme,  s’ouvre sur l’installation dans le nid douillet, mais encore vide, que se construisent les deux amoureux, avant de reprendre une vie (parfois) trépidante.

Une des grandes réussites de l’auteur est à notre avis d’éviter au lecteur l’impression de voyeurisme dérangeant que produisent nombre de BD autobiographiques, peut-être grâce à son humour parfois absurde, qui pousse le lecteur à se demander à quel point ces historiettes sont inspirées de la vie des deux hommes et à quel point elles sont inventées. En tout cas, tout cela est complètement, tranquillement homo, avec paradoxalement — ou pas — très peu de thématiques spécifiquement homos. On parle souvent de “vie post-gay”, voilà peut-être ce que cela signifie vraiment.

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Il y a des priorités, dans la vie.

Ces deux albums, classiques dans la forme et modernes dans le fond, sont un mélange de petites choses et de grands événements, de quotidien à la fois répétitif et toujours renouvelé, d’engueulades et de calins, de vacances entre amis et de mecs mignons croisés dans la rue, de soirées télé à deux et de repas de famille… comme la vie de (beaucoup de) couple(s). Driessen dresse un miroir à peine déformant de nos vies, renvoyant une image à la fois touchante et suffisamment caustique pour ne pas tomber dans la guimauve. Espérons donc que Yves et Guillaume rencontreront leur public et que les éditions FLBLB pourront publier les deux autres albums déjà sortis aux Pays-Bas.


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