Chronique : Monsieur Bertrand

Sous-titré « la vraie vie du maire de Paris », Monsieur Bertrand, publié dans la collection Politics des éditions du Seuil, est exactement ce qu’il annonce : un reportage en BD sur Bertrand Delanoë. Lecture inhabituelle, donc, que cet album qui délaisse le terrain de la fiction pour celui de l’entretien/enquête, tout en évitant - contrairement à ce qui se fait souvent dans ce domaine - de mettre en scène les enquêteurs. Ce parti-pris des auteurs de s’effacer a pour résultat de donner au lecteur l’impression de se trouver face à l’équivalent en images d’un long article de news magazine (ce qui n’est pas un jugement négatif, simplement une constatation). Le livre a les mêmes qualités et les mêmes défauts que ce type d’enquête - on le lit facilement et avec plaisir, mais on sent qu’il est loin d’épuiser le sujet.

On découvre l’homme Bertrand Delanoë, mais aussi l’animal politique, à travers une succession d’anecdotes reliées entre elles par des extraits de conversations avec le principal protagoniste et ses proches. Lorsqu’il fit son coming-out public, l’intéressé avait réclamé « le droit à l’indifférence, pour moi-même et pour tous les homosexuels, qu’ils soient élus ou pas ! » Il l’obtient au moins de ses biographes, lesquels parviennent à présenter cet aspect de la personnalité du maire de Paris sans le minimiser et sans non plus en faire l’enjeu central du livre. C’est là, tout simplement, cela fait partie de lui, et puis voilà.

Finalement, ceux qui se tirent le moins bien de l’histoire sont plutôt les hommes (et femmes) politiques, car les perspectives que nous ouvre ce livre sur les luttes de pouvoir au sein d’un parti (ici le Parti Socialiste, mais on se doute qu’un autre ne s’en sortirait pas mieux) ne sont guère attrayantes. Va-t-il falloir réclamer le droit à l’indifférence pour la classe politique dans son ensemble ?