Jean-Philippe Peyraud entame sa carrière d’auteur de bandes dessinées au milieu des années 1990 au sein de la structure d’édition associative la Comédie illustrée. Il y met alors en scène le quotidien d’un groupe de copains d’une vingtaine d’années, inspirés de son propre entourage. À partir de 2001, il poursuit et développe la bande aux éditions Casterman sous forme de série d’albums en couleurs, Premières Chaleurs. Cinq volumes paraissent de 2001 à 2005, qui se voient aujourd’hui réunis en intégrale.
Maxime, Gaby, Marco, Jean-Bath et Globule sont désormais bien engagés dans leur vie d’adultes : la série commence lorsque Maxime fête ses trente ans et Globule s’apprête à devenir père. Rompant avec le côté « club de garçons » de la bande à ses débuts, Jean-Philippe Peyraud donne également une part importante aux filles, les colocataires Véro, Nina et Abie. L’auteur parvient à rendre vivants et attachants ses nombreux personnages, ce qui n’est pas un mince exploit dans le cadre étriqué de l’album franco-belge de quarante-six pages.
Si les personnages de Premières Chaleurs sont en majorité hétérosexuels, Jean-Bath est gay et les aléas de sa vie sentimentale sont traités avec le même respect et la même affection que ceux de ses amis hétéros. Le personnage n’est par ailleurs pas limité au rôle de gay de service, puisque son amitié avec son colocataire Gaby se retrouve sur le devant de la scène dans le quatrième volet.
Il est clair, à la relecture, que la série aurait bénéficié d’une parution plus fréquente que le rythme traditionnel d’un album par an en usage en France. L’étalement sur quatre ans d’intrigues qui, dans le temps de l’histoire, s’étalent sur quelques mois, fait que les personnages finissent par se retrouver en décalage avec le quotidien au sein duquel ils sont censés vivre. Dans le premier tome, paru en 2001, ses copains se moquent gentiment de Gaby au sujet de son téléphone portable, objet encore rare à l’époque. Dans le dernier volume, paru en 2005, Maxime téléphone d’une cabine publique, et l’on se demande pourquoi il n’a pas de portable - mais c’est simplement parce que dans l’histoire, on est encore en 2001.
Le format plus petit des intégrales Casterman convient à merveille à cette série au graphisme élégamment stylisé, et même les couleurs vomitives du premier volume n’arrivent pas à gâcher le plaisir de la redécouverte. Car c’est bien à une redécouverte que nous invite cette édition intégrale, qui permet de plonger durablement dans le petit monde de l’auteur. En refermant le livre, on regrette de quitter Maxime, Abie et les autres sans savoir ce que la vie leur réserve, d’autant plus que la série ne se termine pas par une véritable conclusion (ce qui, me dira-t-on, est aussi le cas dans la vie réelle).