Chronique : Sticky

D’abord publiée sous forme de trois comic books par Eros Comix (la ligne porno - principalement - hétéro de l’éditeur américain Fantagraphics), cette BD écrite par Dale Lazarov et dessinée par Steve MacIsaac a ensuite été reprise sous forme de beau livre par l’éditeur gay allemand Bruno Gmünder.

La première histoire raconte simplement la rencontre de deux hommes et la baise qui s’ensuit. Ce qui distingue ce récit de pas mal d’autres productions pornos est le niveau du dessin. Steve MacIsaac a une narration et un graphisme solides et réalistes et ses hommes, quoique très musclés, ont l’air humains, si vous voyez ce que je veux dire. L’utilisation d’une seule couleur - ici, des tons de bleus - ne donne pas une impression d’économie mais de sobriété en accord avec le rythme de l’histoire, qui s’attarde sur tous les petits gestes échangés entre les deux protagonistes. Ces gars-là prennent plaisir à ce qu’ils font et n’ont pas besoin de violence pour bander. Et l’on comprend le titre du livre à la fin de cette première histoire.

Les deux récits suivants, comme le premier, sont sans parole, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’histoire. « Talk Show Queers » met en scène l’agent de sécurité d’un talk show pendant lequel, en public, un gay perd son amant qui a décidé de virer hétéro. L’agent voit l’homme s’enfuir du plateau et le poursuit pour s’assurer qu’il ne commet pas de bêtise. En fin de compte, il le réconfortera de la meilleure façon possible. « Too Drunk » (Trop saoul) en laissera plus d’un sur sa faim, mais j’ai trouvé très drôle de publier une telle histoire dans un recueil érotique où les lecteurs attendent une chose et une seule.

Pour la dernière histoire, « Treats », la couleur est l’orange, ce qui convient à l’ambiance d’Halloween. Deux hommes se rencontrent à une fête, l’un déguisé en pirate, l’autre en moine, et ils décident de rentrer ensemble… et de baiser. Étonnant, non ? Les deux gars sont mûrs et plutôt musclés, l’un est poilu, l’autre glabre, leurs rôles sexuels sont interchangeables et il y a une superbe double page mettant en jeu un long jouet et deux culs.

Quatre pages inédites, toutes en couleurs, ont été rajoutées pour la version livre, qui montrent de façon ingénieuse les deux gars de la couverture s’amuser ensemble, tout en servant de cadre aux trois grandes parties. Tant au niveau du graphisme que du design, Sticky possède une élégance qui en rend la lecture très agréable, en dehors de son potentiel d’excitation qui dépend évidemment des goûts du lecteur en matière d’hommes.