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Chronique : Skim

Auteur(s) : Jillian Tamaki, Mariko Tamaki.

Kimberly Keiko Cameron est une jeune fille un peu boulotte, à velléités gothiques, dont la vie quotidienne d’adulte en devenir est le sujet de l’excellent Skim, qui se passe en 1993 dans un lycée privé de jeunes filles près de Toronto - et non, ce n’est pas une nouvelle version de Jeunes Filles en uniforme, même s’il y a des clins d’œil à la culture lesbienne, comme la rue Deneuve où habite l’un des personnages.

Lisa, la meilleure amie de Kim, ne la comprend pas ; l’une de leurs camarades trouve beaucoup de réconfort dans la douleur quand son petit ami se suicide, et Kim, ou « Skim » comme ses amies la surnomment, pourrait bien tomber amoureuse de sa professeur de Littérature et de Théâtre, une sorte de post-hippie qui reste assez énigmatique durant tout le récit, ce qui convient très bien, car il s’agit de l’histoire de Kim et elle découvre encore ce qu’est le monde. Et c’est loin d’être le seul choix intelligent fait par la scénariste Mariko Tamaki.

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Kim et Lisa

Ce qui m’a vraiment plu dans son écriture, c’est la manière dont elle utilise le procédé littéraire consistant à faire raconter l’histoire par Skim elle-même à travers son journal intime, en biffant des mots, en montrant des réécritures partielles, etc. Utilisée avec parcimonie, cette technique accroît considérablement le réalisme de l’histoire et l’implication du lecteur. Le journal donne aussi un aperçu de la vie intérieure de Skim, tout en cachant des choses très importantes au lecteur, qui doit combler le vide laissé par les sentiments et les pensées non exprimés du personnage principal. Le lecteur reste à distance de l’héroïne en même temps que celle-ci essaie de trouver une distance rendant supportable l’impression écrasante de perdre le contrôle dont beaucoup font l’expérience à son âge. En d’autres termes, le lecteur n’a pas du tout l’impression d’être un voyeur.

D’ailleurs, le principe de vide fait aussi partie de l’intrigue, avec l’absence du petit ami mort, qui était peut-être gay. Que ce soit ou non le cas n’a pas d’importance, mais la possibilité l’est. Entre la passion secrète de Skim, qu’elle ne partage même pas avec Lisa, et la mort du garçon, qui résonne à travers tout le livre, le récit aurait pu tomber dans le mélodrame. En lieu et place, nous voyons un portrait sensible et attachant de la jeunesse durant une certaine période, en un certain lieu, et comme pour toutes les bonnes histoires, le particulier devient universel.

Jillian Tamaki, qui est la cousine de la scénariste, est une illustratrice qui n’a fait que peu de bandes dessinées. Sa narration est solide, avec un bon équilibre entre les petites cases et les pleines pages, d’une manière qui m’a plus d’une fois rappelé le travail de Craig Thompson sur Blankets. Ce qui est drôle, c’est que ses visages m’ont fait penser au Chris Bachalo des débuts, un dessinateur de comics mainstream que j’apprécie beaucoup. Mais ce n’est que mon imagination. En tout cas, son dessin crée une belle d’atmosphère et fait entrer facilement le lecteur dans l’histoire sans pour autant le manipuler.

Skim est, à mon avis, une réussite complète. Kim elle-même est un personnage attachant, avec ses qualités et ses défauts, ses espoirs et ses rêves inavoués, et toute sa vie devant elle. J’espère que nous aurons le plaisir de lire d’autres livres par cette talentueuse équipe.