Charles, un jeune fermier, achète à un prix défiant toute concurrence un taureau du nom de Désiré. Il compte sur l’animal pour donner un petit veau à sa vache, Rosette. Laissés passer la nuit dans un pré, les deux bovins sont frappés par la foudre et se retrouvent doués de la parole. Désiré peut enfin expliquer son problème à Charles : il a beau être physiologiquement un taureau, il se sent intimement vache. Voilà Charles bien embêté : comment obtenir de Désiré qu’il assure son devoir de reproducteur ?
On ne s’attend certes pas à voir aborder la thématique transgenre dans les pages d’un album scénarisé par Raoul Cauvin et prépublié dans l’hebdomadaire Spirou. On ne s’y attend tellement pas que certains n’ont visiblement pas compris de quoi il retournait, comme le chroniqueur du bulletin Samizdat qui parle dans sa recension de « taureau homosexuel », alors que Cauvin fait dire clairement à son fermier : « Nous avons hérité d’un animal transsexuel. »
Tout l’album se trouvant pratiquement résumé dans cette phrase, autant dire que l’on est à fond dans l’humour de « style Cauvin », que l’on pourrait résumer ainsi : des personnages se trouvent confrontés à une situation ridicule, absurde ou embarrassante et cherchent à la résoudre par divers moyens. Dans le cas de Charles, les divers moyens vont de la coercition à une tentative d’insémination, ce qui nous vaut un petit laïus du vétérinaire comme quoi Désiré « n’a rien d’un reproducteur », qu’ « autant traire un canari en espérant avoir du jus de tomate » et que le fermier ferait mieux de reporter son choix « sur un taureau digne de ce nom ». Certains trouveront que le scénariste force le trait pour aller jusqu’au bout de sa situation, mais là encore, on est complètement dans le « style Cauvin » et ce jusque dans son gros défaut qui consiste à parler de sujets sur lesquels il n’a pas de connaissance particulière, ce qui le conduit à égrener les pires lieux communs.
Si l’on voulait être méchant, on pourrait reprocher à Cauvin de présenter le transsexualisme comme un problème qui se doit de trouver une solution. Si l’on voulait être gentil, on pourrait répondre que le dit problème n’a justement pas de solution, et que cette complainte du taureau-vache peut se lire comme une incitation à laisser les gens être eux-mêmes. Le ton finalement plutôt léger de l’album et le graphisme élégant et subtil de David De Thuin nous feraient plutôt pencher pour la gentillesse.