BD sur LGBT BD


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Chronique : Gai Comix

Auteur(s) : Ralf König.

Imaginez qu’en France, une vedette de la BD soit homo. En 1992, Ralf König a reçu le grand prix du salon de la BD d’Erlangen, l’équivalent allemand du festival d’Angoulême. Et il est venu le chercher des mains du maire de la ville en talons hauts, perruque et robe moulante !

Bref, la BD allemande a une sacrée dette envers le mouvement gay. En effet, contrairement à ce qui se passe en France, l’Allemagne a longtemps lu des traductions de productions étrangères, américaines ou franco-belges. Ce n’est que dans les années 1980 qu’une véritable BD locale commence à se développer outre-Rhin. Et de fait, quand Ralf König publie ses premiers gags, il est loin de pouvoir rivaliser avec les auteurs étrangers. Heureusement, König est gay, et son premier public est tout heureux de trouver enfin des bandes dessinées qui lui sont destinées. Pendant cinq ans et autant d’albums, Ralf fait son apprentissage de dessinateur dans le cadre des maisons d’édition gay rosa Winkel et Vogel Verlag. Peu à peu, son style à base de gros nez et d’humour vache prend forme. En 1987, il est prêt à affronter un public plus large. Rowohlt, l’un des plus grands éditeurs allemands, publie coup sur coup ses deux premiers romans graphiques : Lysistrata et Les Nouveaux Mecs. Le succès est au rendez-vous.

Dans son autobiographie dessinée, Et en plus, il est gaucher, Ralf König a raconté sa découverte du mouvement gay à 19 ans, à travers le livre de rosa von Praunheim Sex und Karriere, la revue Du und Ich et la grande fête gay Homolulu, à Francfort. Né en 1960 dans une petite ville de Westphalie, dernier d’une famille de neuf enfants dont il est le seul garçon, il était tout destiné à passer une petite vie pépère entre la maison et son métier de menuisier. Tout, sauf le fait qu’il aimait dessiner des hommes - et coucher avec eux. La découverte du milieu gay est une révélation : il quitte ses parents et son travail, part vivre à Dortmund et se lance dans le dessin.

Ses premières BD paraissent dans des fanzines à partir de 1979. En 1981, après un détour par un style réaliste qui ne convainc personne, il revient à l’humour avec le premier Schwulcomix (BD pédé). Quatre albums paraîtront aux éditions rosa Winkel, regroupant gags en une page, histoires courtes et cartoons.

Gai Comix page

Sa première incursion sur la scène française se fait en 1987 avec Gai Comix, sorte de florilège des Schwulcomix 2 à 4, dont certaines pages sont redessinées spécialement pour cette version. Ce travail ne rend que plus évidentes les disparités stylistiques entre le König des débuts et celui, nettement plus assuré, de 1987. Par contre, l’humour caractéristique est déjà là, qui n’épargne personne, ni les hétéros coincés, ni les homos finalement pas si libérés que ça.

L’album est publié par les Pirates Associés, label créé par le photographe Ralf Marsault (qui réalise la traduction) et son associé Heino Müller, et où paraissent aussi un livre d’illustrations de Rex, Rexwerk, ainsi que deux livres de photos, Athletic Model Guild et Fin de Siècle. Il est vendu au prix hautement symbolique de 69 francs. Essentiellement diffusé à la librairie Les Mots à la Bouche et par correspondance via LFM, le label de diffusion de Gai Pied Hebdo, l’album n’est guère remarqué en dehors du milieu gay. Il est depuis longtemps épuisé, mais on peut encore en trouver des exemplaires dans les circuits d’occasion, ou en ligne comme sur Price Minister. König attendra encore quatre ans avant de voir un éditeur de BD français s’intéresser enfin à son œuvre, comme nous le verrons avec La Capote qui tue.
En effet, nous allons vous proposer pendant les prochaines semaines une présentation des albums de Ralf König, un par un et à quatre mains. Parce qu’il fallait bien ça pour couvrir l’œuvre foisonnante du plus prolifique des auteurs homos de BD.